Les Aventures de Petitboutdpaind'épice (1)
Chapitre 1 : Une vie si fragile.
Un matin, des cris se firent entendre sous le toit recouvert de tuiles rouges. De minuscules oisillons ouvraient largement leurs becs énormes plus grands qu'eux. Quatre, cinq, six ! Serrés les uns contre les autres, ils ne cessaient de pousser de sonores réclamations. Enfin, leur maman revint, apportant avec elle des insectes pour les nourrir. Il faisait bien chaud dans le nid douillet, bien à l'abri des intempéries, en particulier de la pluie qui tombait très souvent pour arroser la campagne environnante. La repousse de la végétation était assurée, tandis que les arbres dans les vergers abreuvés donneraient de bons fruits juteux cet été. Le bord du toit était mouillé. Il fallait que les petits restent bien au milieu du nid. Ils avaient les yeux fermés et étaient dépourvus de plumes. Leurs frêles corps étaient d'un gris rosé, ils ne ressemblaient pas encore à leurs parents revêtus de jolies couleurs brunes. Soudain, l'un des oisillons se retrouva dangereusement près du bord du toit. Les gouttes d'eau le mouillèrent ; il devint lourd et tomba deux mètres plus bas. Assommé, il ne réagit pas tout de suite, puis s'agita : il n'était plus dans son abri ! Il se mit à crier, à crier, à crier encore…
Floriane venait tout juste de se réveiller. Sa chambre était toute sombre : les rayons du soleil ne filtraient pas à travers les fentes des volets et elle comprit que, comme la veille et l'avant-veille, le ciel était encore encombré de gros nuages gris qui déversaient abondamment leur eau dehors. La fillette frissonna. Le temps ne donnait pas envie de sortir de dessous ses couvertures ! Le réveil sonna. C'était l'heure de se lever. Son père frappa à la porte de la chambre ouverte. Il sourit. Floriane ne tarda plus, s'extirpa de dessous ses draps et courut dans les bras de son papa. Il pleuvait dehors, mais dedans, c'était plein de soleil. Ils rejoignirent la maman dans la cuisine. Elle venait de préparer un bon petit-déjeuner. Encore en pyjama, Floriane dit bonjour à sa sœur aînée. Elle avait quinze ans. Floriane, dix.
- Est-ce toi qui a emprunté mon livre de maths ? demanda Rosalie, je ne le trouve pas.
Non, Floriane n'y était pour rien. Qu'aurait-elle fait d'un livre de maths ? Elle aurait "emprunté" à la rigueur un livre sur la nature et les animaux, mais pas un livre d'algèbre ! Ce n'était déjà plus d'actualité, le manuel était retrouvé, il était sous une ardoise. Floriane considéra ses petits dessins au feutre spécial qu'elle y avait tracés. Des arbres, des fleurs, des oiseaux : il était difficile de discerner ce que c'était tant les traits étaient maladroits, mais Floriane s'en moquait bien. Elle était contente et c'est cela qui lui importait. Ses cheveux blonds en bataille flottaient librement sur ses épaules et sa bouille ronde donnait l'impression qu'elle était bien plus jeune que son âge. Dès qu'elle fut prête, heureuse qu'une accalmie lui permette d'aller au jardin au moins cinq minutes avant d'aller à l'école, elle sortit sur la terrasse.
- Ne va pas dans l'herbe, tes chaussures seraient trempées ! l'avertit sa mère.
Floriane acquiesça. Des cris attirèrent très vite son attention. Curieuse, elle se pencha autant qu'elle put au-dessus du gazon mouillé et aperçut, là, au milieu des jonquilles, un petit être qui ne cessait de crier. Le chat de la voisine était perché sur la fenêtre et Floriane ne réfléchit pas davantage. Elle se baissa, tendit simplement le bras et rapporta à la maison le précieux petit oisillon.
- Regardez ce que j'ai trouvé, il est tombé du nid ! s'écria-t-elle.
Sa mère s'alarma :
- Qu'as-tu fait ? La maman de ce jeune s'en serait occupé ! Il ne survivra pas.
La fillette fut désolée.
- J'ai pensé que Mitchou le trouverait, sanglota-t-elle.
- Va le remettre dehors !
A cet instant, le chat sauta de la fenêtre et passa dans le jardin. La maman de Floriane changea d'avis. Rosalie arriva triomphante avec une boîte à chaussures vide.
- On pourrait lui faire un nid douillet, suggéra-t-elle.
- C'est d'accord, mais il ne survivra pas…
L'oisillon fut installé dans de la paille. Floriane le regarda avec toute l'affection qui lui était possible. Elle voulut l'emmener avec elle à l'école.
- Non, refusèrent ses parents, sa place est à la maison.
Alors la fillette se pencha sur le carton et lui dit :
- Je reviendrai, petit oiseau, je te donnerai des miettes de mon pain d'épice.
- Ce sont des insectes qui lui faudrait, soupira sa mère, il a besoin de sa maman…
- Alors, allons la chercher !
- J'irai demander conseil à madame Hugues, la voisine, elle s'y connaît.
Lorsque Floriane revint de l'école, elle alla droit voir le petit oisillon. Elle devint toute pâle. L'oiseau était couché sur le côté et criait sans arrêt.
- Je n'ai pas réussi à voir la voisine, dit sa maman, j'ai essayé de donner des graines au petit, mais il a refusé. Je crains qu'il n'y ait plus grand-chose à faire…
Floriane sanglota
doucement. Elle se sentait responsable de cet oiseau !
Plus tard dans la soirée, elle lui dit au revoir et déposa près de lui ses miettes de pain d'épice.
- Je t'aime, lui murmura-t-elle tendrement avant d'aller au lit.
Le lendemain, dès qu'elle ouvrit les yeux, Floriane sauta de son lit. Elle descendit les escaliers et se précipita dans le salon. Elle s'arrêta. Plus de carton ! Sa maman apparut:- Tu es déjà levée ! s'exclama-t-elle.
Sa fille essaya d'articuler un son, mais n'y arriva pas. Sa mère ajouta vivement :
- Madame Hugues, la voisine, est venu à notre aide très tard hier soir. Elle a pris l'oisillon et l'a déposé quelque part pour que sa maman puisse venir le nourrir à l'abri du chat.
- Où ? voulut savoir Floriane.
- Elle n'a pas voulu le dire, tu connais son caractère, mais elle a assuré que tu le reverras sans doute bientôt, une fois qu'il aura bien grandi.
La fillette pleura. Elle aurait bien voulu aller voir le petit oiseau.
- Il s'appelle Petitboutdpaind'épice, hoqueta-t-elle.
- Oui, nous l'avons précisé à madame Hugues.
Floriane n'était pas d'accord. Madame Hugues était quelqu'un d'étrange et solitaire qui se fâchait très fort dès qu'un ballon se retrouvait par inadvertance dans son jardin. Pourquoi l'avoir confié à cette dame ? Elle aurait pris soin elle-même de son protégé ! Elle lui aurait donné des miettes de son pain d'épice ! Elle aurait pris soin de lui ! Pendant plusieurs jours, elle resta dans le jardin pour essayer de l'apercevoir et déposait des miettes de pain dans une soucoupe. Il y avait bien des moineaux qui venaient les manger, mais Floriane en était certaine, l'oisillon n'était pas parmi eux.
Un soir, elle se faufila entre les deux rangées de sapins qui servaient de haie entre les deux jardins et pénétra dans celui de madame Hugues. Il avait fait très chaud toute la journée et elle apportait avec elle une petite soucoupe remplie d'eau avec des miettes de pain d'épice dedans. La voisine avait beaucoup de nichoirs et beaucoup d'arbres. Floriane n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait le petit oiseau, mais deux petits yeux noirs l'avaient aperçue. Petitboutdpaind'épice avait grandi. Il était tout recouvert d'un duvet soyeux. Il s'approcha très près du rebord de son abri au milieu des branches et cria très fort. Il essaya pour la première fois de s'envoler et agita ses ailes ainsi que ses pattes dans tous les sens… puis il s'élança maladroitement avant de tomber sur la tête de madame Hugues en colère qui sortait en courant de sa maison et fonçait droit vers la fillette.
- Petitboutdpaind'épice ! s'écria Floriane en sautant de joie à la vue du petit être qui émergeait des cheveux gris, c'est toi !
( …à suivre dès le 15 avril)
Aster
Que du bonheur !
Belle illustration.
En attendant la suite,
Merci