Les aventures de Petitboutdpaind'épice (3)
Tandis que Floriane et madame Hugues gardaient le nez en l'air, essayant vainement de repérer le sujet de leur recherche, Petitboutdpaind'épice tentait de garder son équilibre sur la surface arrondie sur laquelle il venait de se poser. Glissant d'avant en arrière, les herbes autour de lui freinaient son avancée périlleuse. Il ouvrait les ailes et les refermaient autant que s'il volait dans les airs, et trouvait cela fort amusant.
Floriane renifla tristement. Tous les moineaux et les tourterelles étaient revenus, mais pas Petitboutdpaind'épice. Madame Hugues eut beau la rassurer, lui dire que son petit protégé reviendrait, la fillette perdait tout espoir de le voir apparaître. Entre ses doigts, elle émiettait du pain qui tombait régulièrement à terre et faisait les délices des pigeons. Cela faisait maintenant quatre heures que Bout-d'épice était parti. Pourquoi quelqu'un avait-il lancé son ballon dans le jardin de madame Hugues ? Maintenant, Floriane commençait à comprendre pourquoi la voisine se fâchait lorsqu'elle faisait de même. Justement, on sonna au portail. Deux enfants réclamaient leur ballon.
Petitboutdpaind'épice avait trouvé une technique un peu particulière pour avancer dans l'herbe verte tout en restant perché sur son drôle de truc roulant : il arrachait les herbes qui étaient à sa hauteur. Il fallut beaucoup de temps pour avancer de quelques centimètres, mais l'oiseau était patient. Le perchoir prit de l'élan, car il n'y avait plus d'herbe. Le terrain était en pente, et Petitboutdpaind'épice glissait. Soudain, comme il s'accrochait davantage et resserrait ses griffes sur le plastique, un claquement retentit…
Floriane et madame Hugues fouillaient le jardin à la recherche du ballon. La fillette se redressa, horrifiée :
- Des chasseurs, il y a des chasseurs !
- C'est impossible, dit madame Hugues, ce n'est plus la saison.
Pourtant, elle dut elle aussi se rendre à l'évidence, ce bruit sonore qui avait encore fait fuir tous les oiseaux du jardin était très suspect. Elle se mit fort en colère et entraîna Floriane sous les arbres pour se mettre à couvert. Le jardin de madame Hugues était très grand, il y avait une grande majorité de pins qui offrait une agréable fraîcheur, car la journée était très chaude. Floriane courait, sa voisine la suivait aussi vite que lui permettaient les bottes qui la ralentissaient considérablement. Elles arrivèrent au milieu de la pinède et la voisine poussa un soupir de satisfaction.
- Ouf ! dit-elle, je pense qu'il n'y a pas de chasseurs.
- Qu'est-ce que c'était, alors, ce bruit ? demanda Floriane.
- Je ne sais pas. Restons sur nos gardes, et voyons si nous trouvons le ballon.
- Moi, je cherche Bout d'épice.
Petitboutdpaind'épice était si concentré à rester bien accroché sur son perchoir qu'il avait oublié de fuir à la détonation. Il était même très content, car l'objet sur lequel il était posé était brusquement devenu plus confortable. Le perchoir devenu tout plat en un instant se balançait à présent de droite à gauche sur une surface liquide. Courageusement, le jeune oiseau leva une patte, puis l'autre, se pencha près du rebord et poussa un piaillement de joie : là, sous lui, déformé par la surface liquide et instable, il venait de retrouver le petit être, son petit frère ! Cette fois, il ne le quitterait pas des yeux et lui porterait secours !
Floriane et madame Hugues avançaient prudemment, couvertes par d'épais fourrés. Le sol s'inclinait de plus en plus et elles atteignirent bientôt la limite du jardin complètement à découvert. La campagne s'étirait à perte de vue et les vignobles striaient les prairies en vastes surface géométriques. Une barrière en bois plantée solidement dans le sol rocailleux délimitait le terrain de madame Hugues. En contrebas, la rivière coulait ; l'eau miroitait sous la lumière du soleil. Floriane s'accouda à la barrière. Elle ne voulait pas rebrousser chemin. Elle voulait retrouver son oiseau. Madame Hugues ne cacha pas son impatience.
- Tu vois bien qu'il n'est pas ici, dit-elle, il doit être caché dans un arbre en attendant que nous nous éloignions.
- Bout-d'épice n'a pas peur de moi, répartit la fillette.
Elle leva des yeux implorants vers madame Hugues.
- Allons plus loin !
La voisine soupira et chaussa ses lunettes de soleil.
- D'accord, céda-t-elle.
Floriane se glissa agilement sous la barrière, au contraire de madame Hugues qui se retrouva à cheval par-dessus.
- Me voilà coincée !
Petitboutdpaind'épice gardait son équilibre très difficilement au fur-et-à-mesure que les flots s'intensifiaient. Il ne perdait pas de vue son petit frère qui le suivait sous lui, mais beaucoup de rochers faisaient obstacle à son avancée. Chaque fois que l'oiseau se posait sur l'un d'eux, il perdait le petit être de vue. Alors il rattrapait bien vite d'un battement d'aile son perchoir très instable qui glissait toujours sur la surface liquide. Au bout d'un moment, il décida de passer à l'action : levant une patte, il se pencha pour attraper son petit frère…
Floriane avait aidé sa voisine à franchir la barrière. Maintenant, elles couraient le long du cours d'eau.
- Attends-moi ! s'exclama madame Hugues.
La fillette ne l'entendait plus. Elle n'avait qu'une envie, retrouver son petit oiseau. Elle criait son nom très fort.
- Bout d'épice ! Bout d'épice !
Soudain, elle trébucha, glissa sur la pente boueuse et tomba dans la rivière.
- Oh non ! gémit madame Hugues qui arrivait à sa hauteur. Floriane ! Ma petite !
La voisine voulut la rejoindre, retira ses lunettes de soleil et entra dans l'eau, mais ses bottes s'enlisèrent. Alors elle vit un morceau de plastique rouge qui flottait.
- Attends, je vais te lancer quelque chose ! cria-t-elle à l'enfant.
Floriane, qui avait pied, se rattrapa à la drôle de bouée dégonflé pour faire plaisir à madame Hugues. Soudain, elle se figea. Là, dans l'eau, entre deux rochers, gisait un frêle petit corps d'oiseau.
- Bout d'épice ! s'écria-t-elle en plongeant ses mains dans le frais liquide transparent.
Elle attrapa le petit oiseau et le serra contre elle. Madame Hugues la rejoignit et resta stupéfaite.
- Eh bien alors ! s'exclama-t-elle, que fait-il ici ?
- Il faut le sécher, dit Floriane.
Sans réfléchir, elle enveloppa l'oiseau dans le bas du tee-shirt sec de la voisine qui remettait ses lunettes de soleil. Celle-ci le porta délicatement et le déposa sur un rocher.
- Nous avons retrouvé le ballon, dit madame Hugues en montrant à Floriane le bout de plastique rouge. J'irai en acheter un autre aux enfants.
La fillette ne quittait pas son protégé du regard :
- Et nous avons retrouvé aussi Bout d'épice, ajouta celle-ci.
- Oui, et Bout d'épice.
Elles rirent toutes les deux des pantomimes de l'oiseau qui venait de se lever tout doucement et qui piaillait pour les remercier. Surtout, il fixait madame Hugues qui redressait ses lunettes de soleil sur son nez…
Petitboutdpaind'épice était tout étourdi. Où était-il ? Il se trouvait bien, au chaud, sur une surface dure et stable. Où était passé le petit être ? Deux grosses masses le surplombaient. Il cria bientôt de joie en regardant plus attentivement l'une d'elles. Posés dans deux bulles sombres, il n'y avait plus un, mais deux petits êtres en face de lui ! Comme ils se ressemblaient ! Ils le regardaient, tout aussi heureux que lui. Chaque fois qu'il levait une patte, ils faisaient de même. Frétillant, essayant de se tenir droit malgré ses plumes mouillées qui l'alourdissaient, le jeune oiseau se mit à discuter avec eux pour essayer de savoir lequel était celui à qui il venait de porter secours…
( suite le 16 mai)
4 commentaires - Les aventures de Petitboutdpaind'épice (3)
il n'en aura que de meilleurs aventures ! Aster.
Cette belle petite histoire qui nous ramène à notre enfance.
Continue
J'aime bien ce Petitboutdpaind'épice qui est un petit oiseau aventurier, ses explorations lui font vivre de nombreuses expériences, qui se terminent pour l'instant bien.
En attendant la suite.