Les aventures de Petitboutdpaind’épice (6)
Les aventures de Petitboutdpaind’épice
Chapitre 6 : Des cartons et une épuisette.
Ce matin-là, Petitboutdpaind’épice n’avait pas chanté. La nuit avait été plutôt mouvementée et il avait bien mérité un peu de repos. Perché sur le rebord de son couffin, son frêle corps à moitié caché par la couverture, il sommeillait. Ses yeux étaient clos, sa tête si penchée qu’elle semblait tomber en avant. Heureusement, ses griffes étaient bien resserrées et accrochaient parfaitement son si douillet perchoir. L’oiseau semblait content : peut-être rêvait-il encore de tous les compliments qu’on lui avait fait tout à l’heure ? Peut-être repassait-il sa folle nuit dans sa tête ?
Les jeux, les rires, la chaleur, l’excitation…, la journée de la veille avait été riche en émotions. Il avait suivi Floriane dans tous les recoins de la maison et même ceux du jardin. Tous les deux avaient construit une cabane. Petitboutdpaind’épice s’était fait un plaisir de collecter des brindilles que la fillette avait disposées sur le sol de l’abri fait de carton et d’un drôle de truc tout en haut. Il avait couru, ou plutôt volé d’un côté, de l’autre, d’un côté de l’autre, et ce, toute la journée. Lorsque, enfin, tout ce travail avait été terminé, quel bonheur ç’avait été de visiter l’étrange logis ! Peu à peu, la nuit était tombée et toute la famille était partie se coucher. La lune était montée bien haut dans le ciel tandis que la maisonnée baignait dans la quiétude et la tranquillité. Rien n’avait semblé pouvoir troubler le repos des travailleurs fatigués. Et pourtant…
Vers le milieu de la nuit, Petitboutdpaind’épice avait été tiré de son sommeil. Des sons malheureux, plaintifs, étouffés, lui étaient parvenus. Tout d’abord, l’oiseau avait cru à un volatile de nuit qui faisait sa ronde au-dehors. Puis, les sons s’étaient faits plus proches. Quelque chose bougeait quelque part tout près de lui, dans la chambre même de Floriane. Mais qui ? Quoi ? Les sons s’étaient amplifiés. Petitboutdpaind’épice, quoique peu rassuré, devait assurer la protection de la fillette. Il avait choisi d’ouvrir les yeux... Et ce qu’il avait vu l’avait terrifié : une masse sombre, géante et qui semblait l’engloutir, s’était dressée devant lui ! Elle avait prise toute la place libre de la chambre. Il avait voulu crier, mais aucun son n’était sorti de son bec. Immobile, il avait considéré l’ennemi en silence. Il fallait rejoindre Floriane, savoir si elle allait bien et la défendre contre cet horrible intru. Comment celui-ci avait-il pu pénétrer dans la maison ? Cela restait un mystère pour le petit oiseau. Il avait desserré l’étreinte de ses griffes de son couffin et avait levé une patte, puis l’autre. Il avait ouvert une aile, puis l’autre. Sans bruit, tel une chouette, il s’était élevé dans l’air et avait survolé doucement la masse inquiétante. Soudain, il avait été stoppé net par un fil. Il venait de se faire piéger !
Petitboutdpaind’épice était tombé sur la tête de la masse qui, il l’avait bien compris, ne lui voulait aucun bien. Il s’était débattu, mais n’avait réussi qu’à s’emmêler davantage dans le filet. De nouveau, il avait voulu crier, mais aucun son n’était sorti de lui. Englouti, englouti comme un insecte dans une toile d’araignée ! Le sol s’était dérobé sous lui, des frottements puis des claquements s’étaient fait entendre, suivis un énorme fracas. La nuit l’avait complètement enveloppé. Avalé. Qu’allait devenir Floriane ? Allait-elle finir comme lui elle aussi ? Désolé, découragé, de n’avoir pas su protéger la fillette dont il prenait tellement soin, il avait baissé la tête et avait laissé son pauvre corps épuisé s’effondrer sous lui. Tout à coup, la lumière avait jailli…
C’avait été Floriane, qui, la première, avait soulevé le carton retenant prisonnier son petit oiseau. Elle l’avait pris et l’avait serré contre elle.
- Pardon, pardon, Bout d’épice, avait-elle sangloté, maman avait dit que la cabane devait être construite au jardin, mais nous ne l’avons pas écoutée et l’avons mise dans ma chambre. Tu t’es pris dans l’épuisette qu’on avait mise pour faire la cheminée et notre maison s’est effondrée.
Le petit volatile, qui avait peiné à se remettre de ses émotions jusqu’alors, avait considéré la famille réunie autour de lui.
- Tu es un brave oiseau, lui avait dit le père.
- Un bon gardien, lui avait dit la mère,
- Un bavard qui nous fait du bien, avait renchéri Rosalie.
- Le meilleur Bout d’épice qu’on ait jamais vu, avait approuvé Floriane. Si tu n’avais pas fait tout ce bruit, je serais encore en train de faire mon cauchemar et papa et maman ne seraient pas venus me réveiller pour me rassurer.
Les félicitations avaient plu, les câlins aussi. Lorsque l’oiseau avait compris que tout allait bien, il s’était pelotonné contre Floriane qui avait ri aux éclats.
Maintenant, tout était calme et silencieux. La cabane avait été installée au jardin cette même nuit. Petitboutdpaind’épice, soulagé et heureux de constater qu’il n’y avait jamais eu d’intrus, s’était rendormi profondément. C’est ainsi que ce jour-là, aucun chant d’oiseau, (hormis ceux qui provenaient, lointains, de l’extérieur), ne réveilla la maisonnée à six heures du matin…
(à suivre dès le 1er juillet)